Reconnaitre les textes volontairement abscons | Déjouer le parler correct | La valeur des statistiques
L'esprit critique ne consiste pas à tout critiquer mais à tenir pour vrai uniquement ce que l'on a vérifié. Que ce soit à l'aide de la logique, de la statistique, des probabilités ou de l'argumentation.
Tout lecteur et auditeur de discours argumentatifs sera intéressé par ce texte qui propose quelques moyens pour élaborer sa propre opinion sans se laisser abuser par des discours manipulateurs ou erronés.
Beaucoup d'écrits argumentatifs, au cours de ces dernières décennies, sont mal structurés (pas d'annonce du plan, pas de repères dans le texte), contiennent des raisonnements erronés, un vocabulaire inutilement compliqué et regorgent de citations (alors qu'une référence suffirait si l'auteur avait ses propres idées).
Certes, cela peut s'expliquer par le fait que le nombre d'écrivains est très important comparé au nombre de questions traitées. Par ailleurs, les journalistes qui sont pressés par le temps (quotidien, hebdomadaire, journal télévisé...) cherchent d'abord à être les premiers à donner une information et non à être clairs et objectifs.
De plus, notamment dans les sciences humaines, un certain courant de pensée : le relativisme, suppose que chaque opinion se vaut. Or, s'il est vrai que l'évolution de l'environnement socioculturel peut relativiser une théorie portant sur l'être humain, il est faux de croire que tous les points de vue se valent. À plus forte raison encore dans les sciences de la nature ou mathématiques.
Afin de mieux repérer les textes inutilement compliqués, voici quelques expressions devant éveiller votre esprit critique :
Ensuite, pour y voir plus clair dans la multitude de textes que l'on peut lire ou entendre voici quelques méthodes :
L'implication, symbolisée par =>, est source de confusion. Voici ce que l'on peut déduire de A => B :
(A => B) <=> (non A => rien) (A => B) <=> (B => rien) (A => B) <=> (non B => non A)
On voit que seule la contraposée, non B => non A, est déductible de l'implication A => B. Afin de vérifier qu'une implication n'est pas incohérente il est très utile de la transformer en sa contraposée pour voir la relation sous une autre forme qui n'en est pas moins équivalente.
Abordons maintenant les relations de cause à effet. En général, il n'y a pas de similitude entre la cause et l'effet qu'elle produit. Un lien de causalité implique une corrélation mais une corrélation n'implique pas forcément un lien de causalité. La méconnaissance de ces deux principes sont souvent à l'origine d'une mauvaise compréhension des phénomènes.
Chaque fois que la cause et l'effet sont très rapprochés dans le temps, on doit se demander si l'effet renforce la cause ou si, au contraire, il la diminue : ce sont les deux évolutions possibles de la rétroaction positive. Des exemples sont l'inflation ou le succès.
Si le phénomène évolue vers la stabilité alors on a à faire à une rétroaction négative. Lorsque l'effet augmente il induit une diminution de la cause et inversement. Un exemple est la loi de l'offre et de la demande.
Bref, lorsqu'un texte parle d'un phénomène, ne confondez pas liens de causalité et corrélations et sachez reconnaitre les deux types de rétroaction.
Le « parler correct », aussi appelé « politiquement correct », est un type de discours qui consiste à utiliser certains mots ou expressions dans le but général de désinformer afin d'empêcher toute réflexion ou débat sur un sujet donné.
On distingue au moins trois types de mots ou expressions :
Quelques exemples du « parler correct » :
Les mots ou expressions consensuels permettent de satisfaire tout le monde et ainsi n'ont plus aucun sens. On ne peut donc plus critiquer le mot puisqu'il n'a pas de sens précis.
Les abus d'euphémismes permettent de ne pas choquer les « bien-pensants » et de faire croire hypocritement que la société accepte l'anormalité. Toutes ces figures de style utilisées à des fins de manipulation ont été employées depuis l'Antiquité grecque mais aujourd'hui seuls les publicitaires, les journalistes et plus généralement les écrivains semblent les connaitre. Elles peuvent donc êtres très efficaces.
Enfin, les mots scientifiques inventés ou détournés augmentent artificiellement leur crédibilité, ils permettent d'empêcher l'accès à la signification du mot et de changer leurs définitions en fonction des circonstances. Ce dernier point est aussi valable pour les mots consensuels.
Sans être directement lié au parler correct, le manichéisme est une attitude qui le complète très bien. Ainsi, dans les débats d'opinions, une des erreurs les plus fréquente consiste à être pour ou contre. Comme si la majorité des problématiques ne permettaient que deux réponses possibles. Très souvent la question est mal posée ou les réponses proposées à l'avance. De toute manière il est important de prendre du recul par rapport au problème et d'étudier les principaux points de vue.
Prenons d'abord le cas des pourcentages. Ce rapport entre deux valeurs permet souvent de donner des chiffres élevés ce qui donne de l'importance à un discours. Par exemple, un pourcentage d'augmentation par rapport à l'année précédente qui n'est que très peu informatif comparé aux valeurs absolues sur dix ans. De même, comparer des pourcentages qui n'ont pas le même contexte n'a aucun sens.
Une statistique relative devrait uniquement être donnée après avoir cité un ensemble représentatif de valeurs absolues. Malheureusement ces dernières sont très rarement données par manque de place ou tout simplement par méconnaissance des statistiques.
Intéressons nous ensuite aux résultats des sondages. Même si la technique d'échantillonnage semble au point, deux formulations différentes d'une même question peuvent donner des réponses contradictoires. Par ailleurs, beaucoup de résultats statistiques n'ont pas de sens car la définition de l'objet de la mesure est imprécise ou pire la grandeur considérée n'est pas mesurable.
De plus, les personnes interrogées peuvent ne pas maitriser le sujet et donc leurs réponses ne refléteront pas leurs opinions puisqu'elles ne pourront alors en avoir. C'est le choix de réponse classique « ne sais pas » qui est souvent trop peu utilisé par les interrogés. Si le pourcentage de cette réponse dépasse 25% vous pouvez mettre en doute l'intérêt des réponses.
Ces deux remarques entrainent qu'une grande partie des sondages sont erronés et donc inutilisables. Il est vrai, cependant, que les sondages politiques ou sur les achats futurs renseignent sur les croyances et les besoins à court terme des sondés. À condition que ces derniers soient conservateurs dans leurs habitudes et qu'une nouvelle mode n'apparaisse pas...
On peut surmonter le problème en posant les mêmes questions sous des formulations différentes mais cela double ou triple l'échantillon de personnes à interroger. Ensuite il faudrait aussi instruire les gens afin qu'ils comprennent les conséquences de leur opinion. Mais au final, les statistiques ne sont qu'une méthode qui permet d'obtenir un "instantané" d'opinions avec tous les biais que cela peut entrainer.
Pour finir, deux notions essentielles pour toutes statistiques sont la marge d'erreur et la méthodologie. Que ce soit un sondage politique ou une mesure en physique des particules, la marge d'erreur est indispensable à toute interprétation de la valeur obtenue. De même, on n'oubliera pas, par exemple, que la plupart des comparaisons statistiques internationales ne sont pas valables car les méthodologies sont différentes d'un pays à l'autre.
Voir aussi :
Version : 1.5 (septembre 2001-janvier 2010)
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